Etre vraiment de gauche à l’heure du Covid-19
Editorial :
Toi comme moi avons passé notre vie entière à nous époumoner, à dénoncer la dérive néolibérale du monde. Au point que je me fais du souci pour le peu de poumon qui pourrait nous rester face à la petite bête qui nous menace !
Combien avons-nous fait de déclarations, de communiqués, de pétitions, de « porte à porte », de prêche dans le désert, de réunions, de meetings, de manifestations, de banderoles rédigées, déployées puis rangées ? Combien d’affiches, de tracts, de marchés visités ? Combien de collectes pour les grévistes ? Combien d’indifférences et d’hostilités rencontrées ?
Tout ceci pour combien d’élections décevantes ? Pour deux septennats et un quinquennat déloyaux ? Même les changements climatiques futurs et la pollution ne semblaient pas faire frémir le bel édifice.
Mais voici que survient le minuscule, infiniment plus petit que le plus petit grain de sable qui grippe la jolie machine. Qui met à nu cruellement les imprévoyances liées aux calculs à court terme, les flux tendus, les délocalisations, les inégalités, les fragilités.
Du jamais vu. J’entends, dans mon milieu professionnel traditionnellement conservateur, des confrères universitaires tenir le même discours que nous. Vous savez, ce langage suranné, idéologique, dépassé, utopique. De ceux qui appellent la réponse intelligente suivante : allez voir au Venezuela si la situation est meilleure !
C’est ainsi que j’ai voulu retrouver un professeur d’économie qui était venu, il y a quelques années, dans le Tarn. L’auguste savant nous avait vanté les restrictions budgétaires à imposer au vorace hôpital public. Je comptais le féliciter à la lumière des événements actuels. Hélas, il est mort l’année dernière. Paix à son âme et à ses propositions.
Amis, entendez-vous ceux qui, complaisamment interviewés, clament haut et fort que le temps n’est pas à la polémique mais à faire face, à s’unir dans une union sacrée remise au goût du jour ? Pour ceux d’entre nous qui ne sont pas encore en « première ligne » ou en « deuxième ligne », il est pourtant loisible de s’informer et de réfléchir un peu. Nous sommes confinés chez nous. Nous accorderait-on le droit de penser ? Non ! Ah bon ?
Eh bien, je vous invite à ne pas vous taire. C’est le moment !